Plus de 70 migrants débarqués de force en Libye

Plus de 70 migrants ont été débarqués de force d’un navire qui les avait secourus et ramenés au port libyen de Misrata le 10 novembre dernier. Repêchés par le cargo panaméen Nivin deux jours plus tôt, au large des côtes libyennes, alors qu’ils tentaient d’atteindre l’Europe, les migrants ont refusé de débarquer une fois à Misrata. Ils ont affirmé, pour certains, avoir été emprisonnés et torturés en Libye avant d’embarquer à bord d’un bateau gonflable. Le bras de fer avec les autorités libyennes a duré 12 jours, avant que ces dernières ne donnent l’assaut, avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc, blessant une dizaine de migrants.

D’après l’ONU, les migrants sont originaires d’Ethiopie, d’Érythrée, du Soudan du Sud, du Pakistan, du Bangladesh et de Somalie. Ils seraient actuellement placés dans des centres de détention en Libye. Des centres dont les conditions de vie atroces et les mauvais traitements infligés aux migrants sont de notoriété publique.

Certains migrants avaient auparavant déclaré qu’ils préféreraient mourir que de retourner en Libye. Un migrant soudanais a confié à Reuters qu’ils « accepteraient d’aller n’importe où sauf en Libye. » Un autre migrant a dit qu’il avait été détenu plusieurs fois en Libye et que son frère y était mort. Dans un entretien avec l’Associated Press, il a déclaré : « Nous ne voulons pas aller en Libye. Vous pourrez y emmener mon cadavre. »

Le Nivin, a embarqué les 93 migrants, dont 28 mineurs, après qu’ils aient été ignorés par six autres navires. « Nous avons appelé le numéro d’urgence disant que nous étions sur un bateau pneumatique qui était déjà en très mauvais état. Six navires sont passés près de nous cette nuit-là et personne ne nous a secourus. Ils nous ont vus mais ils ne nous ont pas sauvé la vie », a déclaré un migrant soudanais du sud dans une interview avec le Middle East Eye.

Le navire avait été placé sous haute sécurité alors que les migrants étaient à son bord. Le Croissant-Rouge libyen, MSF et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) avaient toutefois réussi à leur apporter de la nourriture et des soins médicaux. Cependant, les conditions à bord se détérioraient en l’absence de services sanitaires.

Amnesty International a déclaré que le retour du navire en Libye « apparaît clairement comme une violation du droit international, ce pays ne pouvant pas être considéré comme un endroit sûr pour débarquer des migrants. »

En Libye, les migrants sont souvent mis en détention et subissent des conditions et un traitement inhumains. Les organisations de défense des droits de l’homme affirment que la décision de ces migrants de se barricader à l’intérieur du navire reflète la situation en Libye. Heba Morayef, directrice pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International, a déclaré que les protestations « donnent une idée des conditions horribles que les réfugiés et les migrants endurent dans les centres de détention en Libye, où ils subissent tortures, viols, coups, extorsions et autres violences. »

Les organisations humanitaires ont indiqué que plus de 2 000 personnes sont mortes en Méditerranée cette année, dont plus de la moitié entre la Libye et l’Italie. L’Italie avait décidé en août 2018 de fermer ses ports aux navires de sauvetage.

 

TMP, 4/12/2018

Photo : Middle East Eye. Des migrants à bord du cargo Nivin dans le port de Misrata, en Libye.