Migrantes au Maroc, victimes de violences sexuelles par les forces de l’ordre
Les migrants d’Afrique subsaharienne, en particulier les femmes, continuent d’être exposés à des violences sexuelles et physiques, ainsi qu’à des traitements dégradants, de la part de la police et de l’armée marocaines, d’après des organisations de défense des droits de l’homme et des sources médiatiques.
Deux organisations de défense des droits de l’homme, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et le Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), rapportent les abus et l’exploitation des migrants. Le GADEM a signalé que, en juillet et août de cette année, au moins 7 700 migrants ont été victimes de détention illégale ou d’expulsion interne au Maroc. Le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé. Le quotidien britannique The Telegraph, a également publié une série de reportages sur le sujet en novembre 2018. Des femmes affirment que des policiers ont exigé des faveurs sexuelles pour les laisser passer les frontières et les postes de contrôle.
Ainsi, une migrante camerounaise a raconté au Telegraph avoir été violée, sous la menace d’un couteau, par un policier. L’incident s’est produit lorsque les forces de sécurité ont fait une descente dans la maison où elle était gardée par des passeurs, à Tanger, en attente de prendre un bateau vers Gibraltar. Relatant son expérience, elle a raconté comment « l’homme a sorti l’épée qu’il portait et m’a dit que si je n’acceptais pas ses avances il me ferait mal. »
Bien qu’elle ait été autorisée à bord du bateau, le navire a été intercepté peu après son départ. Quelque temps après cet échec, elle a appris qu’elle était enceinte. En mentant à son mari, elle a réussi à obtenir l’argent nécessaire pour avorter. Parlant de la douleur et de l’isolement causés par cette agression, elle a confié : « je ne pourrai jamais oublier ce malheur; mon mari, ma famille ne savent pas ce qui m’est arrivé. »
Il ne s’agit pas d’un incident isolé. De fait, l’exploitation sexuelle des migrantes par les autorités frontalières marocaines semble être courante. Une femme de 28 ans originaire de Guinée a subi une épreuve semblable aux mains d’un autre policier. Elle était dans le même bateau que la migrante du Cameroun. Selon cette femme « 60 pour cent des migrantes à bord du bateau ont eu des rapports sexuels avec la police. »
Une autre migrante sénégalaise, 31 ans, a déclaré au Telegraph que deux policiers marocains l’ont violée alors qu’elle tentait de traverser la frontière près de la ville de Guerguerat. Les policiers ont exigé un pot-de-vin pour la laisser passer. Lorsqu’elle leur a dit qu’elle ne pouvait pas le payer, ils l’ont agressée.
Le Maroc a reçu 807 millions d’euros d’aide de l’Union européenne au cours des quatre dernières années et s’apprête à recevoir 107 millions d’euros supplémentaires, pour lutter contre la migration irrégulière. Le pays a ainsi durci le traitement des migrants d’Afrique subsaharienne souhaitant se rendre en Europe. Cette année, la marine marocaine a intercepté environ 70 000 migrants irréguliers et démantelé plus de 120 réseaux de traite des êtres humains.
En septembre 2018, les dirigeants de l’UE ont souligné leur volonté d’établir un accord de gestion des frontières avec les pays d’Afrique du Nord, notamment la Tunisie, l’Égypte et la Libye. Étant donné la situation actuelle en Libye, la traversée de la Méditerranée entre le Maroc et l’Espagne est désormais favorisée par les migrants irréguliers qui se dirigent vers l’Europe.
Le Maroc a réuni près de 150 pays à Marrakech, début décembre, lors de la conférence intergouvernementale pour l’adoption du Pacte mondial sur les migrations. Plusieurs États de l’Union européenne, les États-Unis et l’Australie, entre autres, se sont retirés du processus après avoir initialement approuvé le texte l’été dernier.
TMP, 18/12/2018
Photo : JOE WALLEN / The Telegraph. Un camp de migrants près d’Oujda, au Maroc.
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